Par les Drs Pascal Prélaud, dip ECVD, spécialiste en dermatologie & Amaury Briand, résident ECVD
Une chienne caniche abricot de 9 ans est présentée pour une otite chronique récidivante évoluant depuis 5 ans.
Historique
Une gêne auriculaire et des otites érythémateuses sont observées depuis 5 ans avec de bonnes réponses à divers soins topiques : Epiotic®/Aurizon®, Epiotic®/Otomax®, Easotic®, Auricularulm®. A ces soins locaux sont régulièrement associés des prises de corticoïdes (prednisolone 0,5 à 1 mg/kg/j).
La chienne est régulièrement toilettée, mais le toiletteur a toujours refusé d’effectuer des épilations auriculaires, tache que les propriétaires effectuent partiellement eux-mêmes.
L’observance des soins locaux est aisée et n’est pas suivie d’effets indésirables. L’otite n’a jamais été sténotique.
Examen clinique
L’examen clinique ne révèle aucune anomalie physique autre que dermatologique. L’abdomen, la région inguinale et la face interne des cuisses sont alopéciques et la peau dans cette région est fine (atrophie cutanée) et a perdu en grande partie son élasticité, prenant parfois un aspect plissé. L’ouverture des méats acoustiques externe est discrètement érythémateuse. La palpation des conduits est souple et non douloureuse.
Examen oto-endoscopique
A l’examen otoscopique les méats sont d’aspect normal, mais de volumineuses accumulations de poils sont présentes en région proximale.
A gauche l’extraction du bouchon pileux met en évidence un petit bouchon suppuré, puis après irrigation un tympan sain.
A droite l’extraction du bouchon pileux révèle la présence de corps étrangers végétaux bruns macérés . Le tympan est là aussi intact.
L’examen cytologique ne met pas évidence d’éléments bactériens ou fongiques ni de cellules inflammatoires.
Traitement
Le traitement après extraction de ces bouchons et corps étrangers (Figure 8) consiste à prévenir la réaccumulation de débris et de poils. Une épilation soigneuse des conduits en région distale est recommandée (tout comme est suggéré de trouver un toiletteur qui assume ce minimum de travail) associée à un nettoyage bihebdomadaire. Si des bouchons cérumineux se forment, une solution céruménolytique sera utilisée
Discussion
Il existe de nettes prédispositions raciales aux otites externes chez le chien (tableau I). A côté des races de chiens atopiques (bouledogues, terriers, Labradors, berger allemand, boxer…) dont les otites sont initialement allergiques, les spaniels sont prédisposés aux otites cérumineuses primaires et le caniche et le bichon aux otites irritatives associées aux soins liés à l’épilation ou bien à la formation de bouchons en rapport avec un hypertrichose.
La présence de poils est physiologique dans le méat en région proximale ventrale chez le chien. Toutefois, certaines races présentent en outre une hypertrichose distale (ouverture des méats) et d’autres, comme le caniche, les bichons et les West Highland white terriers une hypertrichose sur toute la longueur du méat. Dans ces races, il est nécessaire d’effectuer un minimum de tonte ou d’épilation de la région distale afin de faciliter l’élimination du cérumen et limiter les risques d’otite à corps étranger. C’est probablement de défaut d’entretien qui est à l’origine de l’otite de ce chien. A contrario, chez le caniche des soins trop fréquents et trop irritants sont fréquemment à l’origine d’otites externes irritatives qui deviennent chroniques avec la répétition de ces soins et le développement d’une infection bactérienne ou fongique. Il est donc important chez le caniche, lors d’otite chronique, d’interrompre les soins locaux et d’effectuer un examen des méats.
Le recours à la corticothérapie locale ou par voie générale n’est pas indiqué lors d’obstruction proximale tant que les bouchons n’ont pas été extraits. En effet, la corticothérapie inhibe la fonction de tapis roulant de l’épithélium auriculaire qui en migrant de la région proximale à la région distale aide au nettoyage physiologique de l’oreille. D’autre part, en l’absence de sténose une corticothérapie par voie générale n’est pas indiquée lors d’otite externe et devrait être interrompue dès lors qu’elle n’apporte pas d’amélioration et provoque des effets secondaires délétères comme dans ce cas (lésions d’atrophie cutanée).
Ce cas illustre aussi toute l’importance d’un examen minutieux des méats lors d’otite externe et l’intérêt de l’oto-endoscopie pour une bonne visualisation des structures. Lors d’otite récidivante, une anesthésie générale est souvent nécessaire afin d’effectuer un examen complet des méats et des tympans. Cet examen se fait en procédant dans un premier temps à un prélèvement pour un examen cytologique puis à une irrigation avec ou sans solution nettoyante. Trop souvent, le nettoyage est interrompu alors que subsistent des dépôts en région proximale (flushing à la poire ou à l’aide d’un Auriflush® par exemple). Ces dépôts ne sont pas visualisables dans une oreille mouillée lors d’examen otoscopique conventionnel. Le recours à l’oto-endoscopie a nettement amélioré la qualité du nettoyage des oreilles, offrant la possibilité de visualiser aisément la région proximale en cours d’opération et d’effectuer un nettoyage complet de cette région et donc de limiter les récidives d’otite infectieuse.
Tableau I : principales prédispositions raciales aux otites externes
Races | Cause la plus fréquente d’otite externe |
Races prédisposées à la dermatite atopique canine | Otite allergique (et ses complications) |
Caniche, bichon | Otite irritative, bouchons proximaux |
Spaniels, cavalier King Charles | Otite cérumineuse primaire, hyperplasie des glandes cérumineuses primaire, Otites à Gram- |
Brachycéphales | Otites sténotiques précoces, polypes |