Les dermatoses auto-immunes sont rares chez le chat, exception faite du pemphigus foliacé, nettement plus fréquent que dans d’autres espèces.
Auto-antigènes
Epiderme
Si chez l’homme et le chien plusieurs antigènes desmosomiques sont identifiés (desmogléine 3 chez le Chien), les antigènes du pemphigus foliacé ne sont pas identifiés chez le chat.
Membrane basale
Protéine impliquée | Maladie génétique | Maladie auto-immune |
Collagène XVII | – | PB, PMM, MLA |
Collagène VII | EBD | EBA, LSB-I, MBSAI |
Laminine 5 | – | PMM |
Laminine 332 | EBJ | PMM, EBJA, MBSAI |
Kératine 5 | EBS | – |
Integrine a6/ß4 | EBJ | – |
Plectine | EBS | – |
En gras, seules maladies auto-immunes de la jonction dermo-épidermique décrites chez le chat ; PB = pemphigoïde bulleuse, PMM = pemphigoïde des membranes muqueuses.
Follicule pileux et glandes sébacées
L’existence d’adénites sébacées est controversée chez le chat. Il s’agit leplus souvent d’extensions de folliculites murales. Il existe des cas très rares de pelade et de pseudopelade dans lesquels la réaction immunitaire est dirigée contre des antigènes du bulbe ou du follicule pileux.
Cartilage
Lors de chondrite auriculaire, la réaction auto-immune est dirigée contre le collagène de type II
Fel d I auto-antigène ?
Une étude a suggéré l’allergène majeur du chat pour l’homme, produit par les glandes sébacées (Fel d I) pourrait être un auto-antigène impliqué dans les dermatites éosinophiliques. Cette idée assez baroque basée sur des résultats ne montrant pas de réels différence d’autoactivation entre chats sains et « allergiques » n’a pas eu de suite 1.
Dermatoses auto-immunes bulleuses
Pemphigus Foliacé
Le pemphigus foliacé est la dermatose auto-immune la plus fréquente chez le chat. Son diagnostic est plus aisé que chez le chien et le pronostic souvent meilleur. Toutefois, on peut être en pratique dérouté par certains aspects cliniques et le suivi au long cours n’est pas toujours simple, notamment lors de rechutes graves.
Epidémiologie
Il n’existe pas de prédisposition raciale ou sexuelle au développement d’un pemphigus foliacé dans cette espèce. Cette dermatose auto-immune peut apparaître à tout âge, même si en moyenne elle est rapportée entre 4 et 6 ans.
Etiologie
Alors que chez le chien et l’Homme on décrit de nombreuses causes au développement de ces dermatoses auto-immunes, chez le Chat la grande majorité des cas est idiopathique, les autres sont médicamento-induits2-4.
Signes cliniques
C’est une dermatose pustuleuse. Toutefois les pustules sont assez rarement observées et cliniquement ce sont surtout des lésions crouteuses qui dominent le tableau. Ces croûtes ont un aspect très évocateur : planes et jaunes, peu adhérentes. Elles recouvrent des érosions souvent peu profondes. Elles sont préférentiellement localisées aux faces internes des pavillons auriculaires, aux bourrelets unguéaux, au chanfrein, aux mamelons Plus rarement, on peut observer des lésions des coussinets (hyperkératose), de l’abdomen, du menton, de la face ventrale des tarses ou du dos. Au niveau des griffes, le périonyxis est généralement caractérisé par la présence d’un pus très abondant. Ce périonyxis peut être très sévère, douloureux et provoquer une boiterie.
Une atteinte de l’état général est fréquemment rapportée avec abattement, hyperthermie et ne semble pas associée à une atteinte viscérale autre.
Le motif de consultation peut être l’apparition de lésions croûteuses, d’un prurit facial, d’une boiterie, d’un périonyxis.
Diagnostic
Les localisations très variables font du pemphigus foliacé un élément du diagnostic différentiel de nombreuses entités cliniques (paronychies infectieuses, acné du menton, dermatites allergiques, pyodermite, dermatophytose).
Certains éléments sont évocateurs : apparition progressive, localisations variables dans le temps, lésions croûteuses et corticosensibles.
L’examen cytologique est l’examen de choix pour effectuer le diagnostic de pemphigus foliacé, mais aussi aider au diagnostic différentiel d’un onyxis suppuré par exemple . Lors de pemphigus foliacé on observe au milieu de granulocytes neutrophiles de grands cellules bleues arrondies : des acanthocytes. Une des images caractéristiques est l’existence d’images de kératinocytes en roue crantée, avec des granulocytes neutrophiles adhérents sur toute leur périphérie (image en roue crantée).
Améliorer l’efficacité des examens complémentaires (histologie et cytologie) lors de suspicion de pemphigus
- Les faire après au moins deux semaine d’arrêt des corticothérapies par voie générale ou topique
- Effectuer une antibiothérapie avant de prélever (moins important que chez le chien)
- Privilégier des pustules ou des coûtes fraiches
- Utiliser plusieurs zones lésionnelles
- Privilégier le pus en nature pour les examens cytologiques (base des ongles) ou bien une érosion protégée par une croûte
- Ne pas utiliser de punch, mais une lame de bistouri pour préserver la lésion intacte
Histopathologie
Il est préférable de confirmer le diagnostic par un examen histopathologique à partir de lésions idéalement pustuleuses ou papuleuses et à défaut crouteuses. On observe lors de pemphigus des pustules intraépidermique contenant des cellules acantholytiques et des granulocytes neutrophiles.
Diagnostic étiologique
Le diagnostic étiologique est rarement possible chez le chat. Il est nécessaire avant toute chose de tenter un diagnostic d’imputabilité médicamenteuse en recherchant les prises, injections ou applications de médicaments dans le mois précédent l’apparition des lésions. Certains pemphigus pouvant être des manifestations paranéoplasiques chez l’Homme et le Chien, la recherche de l’existence concomitante d’une néoplasie est aussi souhaitable.
Pronostic
Le pronostic est meilleur chez le chat que chez le chien, de nombreux cas présentant des rémissions définitives après un traitement immunosuppresseur. Toutefois, lorsque ce traitement ne peut pas être interrompu, le pronostic reste réservé.
Traitement
Le traitement fait appel à une corticothérapie immunosuppressive par voie générale (tableau I) ou quand cela est tolérable pas voie locale. Dans les cas sévères, l’association à la ciclosporine ou un cytotoxique est préférable pour limiter la corticothérapie, voir pouvoir l’interrompre au long cours.
De nombreux auteurs américains recommandent l’association de ciclosporine à la dose de 10 mg/kg/j 5, mais il n’existe aucune donnée publiée sur l’efficacité de cette association ni sur les effets secondaires d’un traitement immunosuppresseur aussi radical sur le long cours. Par contre une étude récente comparant l’efficacité du chlorambucil et de la ciclosporine dans le traitement du pemphigus foliacé félin montre que cette dernière à une dose de 5 mg/kg/j a un meilleur effet d’épargne corticoïde (tant dans la phase d’attaque que d’entretien) que le chlorambucil pour des effets secondaires quasi nuls (ramollissement des selles, hypertrichose) 6. Dans cette étude, l’arrêt de la corticothérapie est possible chez 75% des chats traités avec la ciclosporine.
On peut effectuer, si les lésions sont délabrantes ou très prurigineuses, un bolus de 3 jours de corticoïdes puis poursuivre avec des doses anti-inflammatoires associées à la ciclsoporine.
Un nettoyage des lésions sous AG permet de soulager l’animal.
Dans les formes bénignes un traitement topique corticoïde seul peut être intéressant : bétaméthasone, acéponate d’hydrocortisone appliqués une fois par jour jusqu’à guérison. La vitesse d’amélioration est lente.
Dermatoses auto-immunes ciblant la membrane basale
Lupus cutané et lupus systémique
Ces deux entités sont extrêmement rares chez le chat. L’étude regroupant le plus grand nombre de cas (11) comportant essentiellement des chats de race : siamois et persans 7.
Cliniquement, on observe une atteinte faciale érythématocrouteuse avec ou sans ulcérations buccales. Lors de lupus systémique d’autres atteintes sont présentes : thrombopénie, AHAI, fièvre, PA, GN.
A l’examen histologique on retrouve systématiquement la triade : dégénérescence hydropique des cellules basales, incontinence pigmentaire et dermatite d’interface 8Ê,9Ê,10. Lors de lupus systémique, on retrouve des taux élevés circulants d’anticorps antinucléaires (sur cellules de foie de rat ou Hep2).
Pemphigoïde des membranes muqueuses (cicatricelle)
Cette affection est encore plus rare chez le chat que chez le chien 11. En fait les dermatoses bulleuse de ce type sont plus sont des anomalies congénitales chez le chat (épidermolyse bulleuse).
Pemphigoïde bulleuse
Deux cas ont été décrits dans la littérature chez un européen et un himalayen. Dans chaque cas, un épitope du collagène XVII est la cible des auto-anticorps 12. Cliniquement il s’agit de lésion de vésicules et d’érosions localisées à la cavitée buccale, aux lèvres et aux conques auriculaires.
Le diagnostic repose sur l’examen histopathologique qui met en évidence un décollement dermo-épidermique avec des vésicules contenant des éosinophiles.
Une corticothérapie a permis un contrôlé des lésions avec possibilité d’arrêt du traitement à 6 mois dans un cas.
Dermatoses auto-immunes ciblant le follicule pileux
Les DAI du follicule pileux sont représentées schématiquement par les atteinte du bulbe folliculaire (alopecia areata ou pelade) et celle de l’isthme folliculaire (pseudopelade). Ces affections sont très rares chez le chat, un seul cas ayant été décrit pour chacune dans la littérature.
Références
1 Wisselink, M. A., vanRee, R. & Willemse, T. Evaluation of Felis domesticus allergen I as a possible autoallergen in cats with eosinophilic granuloma complex. American Journal of Veterinary Research; 63, 338-341 (2002).
2 McEwan, N. A., McNeil, P. E., Kirkham, D. & Sullivan, M. Drug eruption in a cat resembling pemphigus foliaceus. J.small Anim.Pract. 28, 713-720 (1987).
3 Mason, K. V. & Day, J. M. A pemphigus foliaceus-like eruption associated with the use of ampicillin in a cat. Austr.Vet.J. 64, 223-224 (1987).
4 Prélaud, P., Mialot, M. & Kupfer, B. Accident cutané médicamenteux évoquant un pemphigus foliacé chez un chat. Point Vét. 23, 313-318 (1991).
5 Peterson, A. & McKay, L. Applied dermatology-crusty cats: feline pemphigus foliaceus. Compend Contin Educ Vet 32, E1-4 (2010).
6 Irwin, K. E., Beale, K. M. & Fadok, V. A. in NAVDF.
7 Petersen, N. C. Systemic lupus erythematosus in the cat. Feline Practice 19, 5-13 (1991).
8 Willemse, T. in Guide Pratique de Dermatologie Féline (eds E. Guaguère & P. Prélaud) 13.11-13.17 (Merial, 2000).
9 Gross, T. L., Ihrke, P. J., Walder, E. J. & Affolter, V. K. Veterinary Dermatopathology. 2d Edition edn, (Blackwell, 2005).
10 Vitale, C. B., Ihrke, P. J., Gross, T. L. & Werner, L. L. Systemic lupus erythematosus in a cat: fulfillment of the American Rhematism Association criteria with supportive skin histopathology. Vet.Dermatol. 8, 133-138 (1997).
11 Olivry, T., Dunston, S. M., Zhang, G. Y. & Ghohestani, R. F. Laminin-5 is targeted by autoantibodies in feline mucous membrane (cicatricial) pemphigoid. Vet Immunol Immunopathol 88, 123-129 (2002).
12 Olivry, T. et al. Novel feline autoimmune blistering disease resembling bullous pemphigoid in humans: IgG autoantibodies target the NC16A ectodomain of type XVII collagen (BP180/BPAG2). Veterinary Pathology 36, 328-335 (1999).
Par le Dr Pascal Prélaud, Dip ECVD, spécialiste en dermatologie