2022
L’oclacitinib ne possède une AMM pour un traitement au long cours que pour une prise quotidienne. Toutefois la demi-vie brève de ce médicament oblige à parfois à l’administrer hors AMM deux fois par jour pendant des périodes longues. Cette étude rétrospective de 53 chiens atopiques traités ainsi met en lumière les éléments suivants
- La tolérance est globalement très bonne
- Rester sur des prises biquotidienne n’est pas gage d’efficacité (28% d’échec), même en association à des corticoïdes
- la numération des deux lignées tend à décroitre régulièrement tout en restant dans les valeurs usuelles
- 6 % des chiens présentent une hypercholestérolémie
- les otites et les pyodermites ne sont pas contrôlées par ce traitement
Attention ces données concernent des durées de suivie assez courtes (en moyenne de 4 mois). Il est donc important de rester prudent et de suivre ces animaux tant sur le plan hématologique qu’à la recherche précoce de développement de néoplasies
Il existe encore, chez le chien, de nombreuses spéculations autour de la filaggrine et des défauts de barrière cutanée lors de dermatite atopique (DA). On ignore qui est l’œuf et qui est la poule, défaut génétique de structure ou de métabolisme de la filaggrine ou défaut induit par l’inflammation cutanée. Une étude récente menée sur des chiens artificiellement sensibilisés et présentant spontanément une DA lors de sensibilisation aux acariens vient apporter des arguments à une cause inflammatoire et non génétique.
Chez ces animaux, lors d’une provocation par l’application d’extraits d’acariens (Dermatophagoides farinae) sur la peau, les concentrations en facteurs d’hydratation (NMFs) chutent sur la zone d’application et baissent aussi sur des zones non stimulées directement. Ces altérations sont même corrélées à la sévérité des lésions.
Tout revient à la normale en 4 semaines après un traitement à l’oclacitinib.
L’apparition d’altération à distance du site provocation est une preuve de l’apparition d’une inflammation systémique (comme chez l’homme).
L’aspect réversible du défaut de barrière observé est un argument de plus en faveur d’une cause inflammatoire (inside/outside) et non génétique (outside/inside) des défauts de barrière observés lors de dermatite atopique chez le chien. Il vient s’ajouter à ceux des études montrant le rétablissement de la barrière cutanée ou d’une amélioration de la dysbiose après des traitements systémiques par la ciclosporine, l’oclacitinib ou les corticoïdes.
Les auteurs, dans l’enthousiasme de leur conclusion, vont même jusqu’à se poser la question du réel intérêt des soins topiques émollients, tant les traitements systémiques sont efficaces. A suivre, la balle est dans le camp des outside/inside.
2021
Cette étude montre que les mastocytes tumoraux produisent de l’IL8 et MCP1. L’oclacitinib (à des concentration équivalente à des doses thérapeutiques) inhibe in vitro dans plusieurs lignées la production de ces cytokines et a même un effet anti-prolifératif sur les 3 lignées testées. C’est l’occasion de rappeler que cette famille de molécule a été utilisée initialement dans le traitement des néoplasies myéloïdes. Leur spectre d’indication va bien au delà du traitement symptomatique du prurit. D’ici à l’inclure dans des protocoles de traitement de mastocytomes canins est totalement prématuré.
Diverses études in vitro tendent à montrer l’influence de l’oclacitinib sur la réponse immunitaire et des cas de maladies dysimmunitaires répondent à son administration. On peut donc à juste titre s’inquiéter de son utilisation au long cours chez le chien atopique.
Cette étude sur un petit nombre de chiens [13] suivis sur un an est rassurante. Aux doses de l’AMM, avec donc une prise quotidienne, il n’existe pas, chez des chiens atopiques traités, de baisse des populations de lymphocytes T, ni de leur capacités réactionnelles.
Cette observation appelle plusieurs remarques :
1. Dans ce protocole la moyenne de réduction du prurit est de 51% ce qui est assez faible et questionne sur l’intérêt supérieur du lokivetmab dans cette indication ;
2. Ces résultats ne préjugent pas de l’effet d’une administration hors AMM en 2 administrations quotidiennes ;
3. Même si sur 13 animaux aucun effet indésirable n’a été noté, ce nombre est parfaitement insuffisant pour se passer des recommandations de suivi clinique et biologique (NFS) imposés par l’action sur les JAK2.
Certaines races de chiens sont prédisposées à l’apparition de lésions nécrotiques parfois rebelles de la pointe des oreilles dues à une vascuopathie ischémique : pinschers, Jack Russell terrier, braques, boxers, Dobermann, staffies…
Cette affection répond de façon plus ou moins régulière à l’administration de médicaments rhéologiques (pentoxufilline, propentofylline). Cette étude montre que l’oclacitinib, par son action immunomodulatrice, permet d’obtenir d’excellents résultats dans la plupart des cas rebelles (22/25), même s’il faut à la fois attendre plusieurs mois pour obtenir une guérison et chez certains animaux administrer le médicaments en continu deux fois par semaine. C’est une nouvelle indication hors AMM de ce médicament particulièrement intéressante chez les animaux qui présentent à la fois cette atteinte des oreilles et une dermatite atopique, ce qui est assez fréquent.
Carrasco, I., et al. (2021). « Efficacy of oclacitinib for the control of feline atopic skin syndrome: correlating plasma concentrations with clinical response. » J Feline Med Surg.
Cette nouvelle étude sur l’utilisation de l’oclacitinib chez le chat présente nombre des écueils des précédentes et conclue très hâtivement à l’intérêt de cette molécule dans cette espèce.
Ainsi, les auteurs ne tiennent pas compte des 10/28 chats perdus de vue en cours d’essai (sic) ! Sur les 18 restants les résultats sont significatifs, mais avec des coefficients de variation importants. En fin d’étude les chats ayant une amélioration du score de prurit supérieur à 50% ne sont que 61% (donc 40% si l’on tient compte des 10 perdus de vue). Un chat a présenté une chute d’hématocrite (réversible à l’arrêt du traitement) et 10% des troubles digestifs.
Aujourd’hui toutes les études chez le chat sont des études de courte durée (1 mois) et ne permettent pas de juger des risques d’une utilisation au long cours.
L’oclacitinib n’est donc en aucun cas une molécule de choix en première intention, les deux plus efficaces étant la ciclosporine et les corticoïdes dans le traitement des dermatites allergiques féline
Un chien atteint d’une forme étendue et grave de lymphome cutané a répondu de façon spectaculaire et rapide à l’administration d’oclacitinib à 0,7 mg/kg q 12h et de céfalexine, sans corticothérapie associée. Toutefois la rechute a été rapide et brutale malgré le traitement et l’animal euthanasié 3 mois après le début du traitement.
2020
L’AMM de l’oclacitinib impose un espacement des prises dès le 14e jour. Or ce médicament a une demi-vie courte, si bien que la plupart des chiens expérimentent une reprise des démangeaisons. Ceci pourrait être évité ou du moins limité en associant au traitement systémique l’application de dermocorticoïdes, comme le montre cette étude. Toutefois la différence, nette à 28 jours pour les scores lésionnels, très faible pour le prurit, les animaux ayant au final des scores réduits seulement de moitié.
D’autre part, si lésions et prurit peuvent être contrôlés par des dermocorticoïdes, à quoi bon associer un traitement systémique.
Cette étude sur une lignée de chiens atopiques aisément sensibilisables aux acariens permet de comparer les effets des 4 principaux traitements systémiques de la maladie sur 1 mois aux doses de l’AMM : corticoïdes, ciclosporine, oclacitinib et lokivetmab.
Seuls les corticoïdes et l’oclacitinib permettent d’obtenir un résultat significatif à 2 semaines. Par contre le lokivetmab, administré avant les phases de provocation permet de prévenir la poussée. Ces résultats illustrent parfaitement la place aujourd’hui attribuée à ces traitements :
- Oclacitinib ou corticoïdes pour le traitement des poussées
- Lokivetmab pour le traitement proactif avant les poussée
- Ciclosporine uniquement pour des traitements au long cours
Cette étude rétrospective de grande ampleur (660 animaux) sur des chiens atopiques traités plus de 6 mois par l’oclacitinib et suivis plus de deux ans, vient montrer l’absence apparente d’effet procarcinogène d’un traitement aussi long (ce qui est en accord avec l’AMM). Cette étude concerne tous les types de tumeurs et les animaux ont été comparés à une cohorte comportant des chiens de même race et tranche d’âge.
Ainsi les tumeurs les plus fréquentes ne sont pas plus souvent observées chez les animaux traités : mastocytome (3,8 vs 3,4 %), lymphomes (1,8 vs 0,3 %), carcinome épidermoïde (0,6 vs 0,9 %)…
Les auteurs concluent à une innocuité de l’oclacitinib malgré une fréquence 6 fois plus importante des lymphomes.
Une telle innocuité ne doit pas occulter deux éléments essentiels dans l’utilisation au long cours de ce médicament :
- la nécessité d’interrompre le traitement si une tumeur se développe ou s’il existe des antécédents de néoplasie
- la nécessité d’un suivi biologique et clinique régulier
Les auteurs décrivent deux cas (rares) d’érythème polymorphe (EP) hyperkératosique ayant répondu en 2 à 3 mois à l’administration d’oclacitinib.(0,6-0,9 mg/kg q12h
Ceci est d’autant plus intéressant que ces formes d’EP sont parfois rebelles.
L’oclacitinib aux doses de l’AMM n’est pas systématiquement efficace lors de dermatite atopique chez le chien. L’une des hypothèses avancées est celle d’un défaut de biodisponibilité. Cette étude représentée au congrès mondial de dermatologie vient infirmer cette hypothèse. Il n’existe aucune corrélation entre la concentration plasmatique en oclacitinib et l’amélioration du prurit ou des lésions.
Un échec ne doit donc pas amener à modifier à la hausse la posologie de ce médicament, mais à rechercher l’existence d’une complication infectieuse (souvent rebelle aux inhibiteurs de janus kinase), voire trouver une autre approche de traitement du prurit ou de l’inflammation.