La mesure de la pression artérielle par voie invasive est une technique de surveillance vasculaire qui nécessite l’insertion d’un cathéter au sein d’une artère (souvent la dorsalis pedes). C’est une technique mini-invasive qui livre une innombrable quantité d’informations cardiovasculaires. Elle permet en temps réel l’obtention, avec précision, des valeurs de pression artérielle systolique, diastolique et moyenne, associées à l’interprétation de la courbe de pression, et guident finement la titration de certaines molécules à effet sur la performance cardiovasculaire (inotropes, vasopresseurs, etc.). La mise en place d’un cathéter artériel permet aussi de réaliser des prélèvements de sang afin de contrôler les valeurs gazométriques et l’équilibre en pH.
A l’inverse de la mesure invasive, la pression artérielle non invasive, malgré son manque de précision, présente certains intérêts, puisqu’elle est souvent plus simple à mettre en place et relativement sans risques pour l’animal. Elle permet l’obtention intermittente des valeurs de pression artérielle. Certaines d’entre elles sont directement mesurées ou calculées à l’aide d’algorithmes spécifiques aux appareils de mesure. Cela ne permet pas, par exemple, l’auscultation du pouls du patient ni la visualisation en continu de la fonction cardiaque.
Indications
Ces caractéristiques uniques, font de la mesure de la pression artérielle par voie invasive, une indication absolue dans certains « critiques » : lors d’instabilités importantes de la pression artérielle (intervention chirurgicale majeure, patient en état de choc, etc.), lors de l’administration d’amines vasoactives, ou encore lorsque la mesure de la pression artérielle non invasive manque de précision ou est inadaptée (arythmies, obésité, bas débit cardiaque ou vasoplégie).
Complications
Cette technique « invasive » peut tout de même s’accompagner de complications. Certaines sont rares mais graves, comme le détachement accidentel de la ligne de pression pouvant provoquer une hémorragie, la nécrose du territoire irrigué par l’artère concernée, la formation d’emboles ou l’apparition d’une bactériémie. D’autres complications mineures comme la formation d’un caillot ou d’un hématome en regard du site de pose, sont toujours possibles. Ces complications restent rares et ne doivent pas limiter l’utilisation de la pression artérielle invasive.
Technique
Chez le chien et le chat, le cathéter artériel est souvent placé sur l’artère dorsale du pied (i.e. dorsalis pedes); d’autres localisations sont possibles (A. palmaire, A. fémorale, A. coccygienne). Une fois positionné, le cathéter est relié à une tubulure spécifique et connecté au transducteur de pression. Cet ensemble est rempli de soluté physiologique hépariné. Le capteur nécessite une calibration à zéro et elle s’effectue à la pression atmosphérique du moment. Le capteur de pression doit être positionné à la hauteur estimée de l’atrium droit afin de maintenir une neutralité dans les valeurs mesurées. Une fois ces démarches effectuées, la mesure de pression artérielle invasive peut commencer.
Le positionnement du cathéter (central vs périphérique), permet de visualiser le phénomène d’amplification distale du pouls (plus on s’éloigne du cœur, plus la pression systolique tend à augmenter du fait de la réflexion de l’onde sur les parois des artérioles). La pression artérielle moyenne diminue progressivement le long de l’arborescence artérielle.
Il est possible d’observer des variations régulières de la ligne de pression artérielle en concomitance avec la respiration de l’animal : lors de ventilation spontanée, la pression artérielle systolique sera majorée en temps expiratoire. Lors de ventilation mécanique, elle sera majorée durant l’inspiration. Ce phénomène peut être amplifié par une hypovolémie et indiquer la nécessité d’améliorer la fluidothérapie et d’en juger l’efficacité (ou pas). Par l’analyse de ces mesures, il est possible de prédire la réponse potentielle du patient à la suite de l’administration de fluides (différence d’amplitude sur la vague systolique, variation de la pression systolique, etc). Ce dernier point devient un incontournable de la thérapeutique liquidienne sur mesure, chez les patients critiques.
Malheureusement certains artefacts liés au matériel utilisé non adapté, sont toujours possibles.
- Un phénomène de damping (amortissement) sur la ligne de pression artérielle invasive, peut être observé à l’écran du moniteur. Il peut être négatif ou positif et modifier la conformation de la ligne de pression. Lors d’underdamping (sous-amortissement), on obtient généralement une pression systolique anormalement élevée et une pression diastolique basse. La pression artérielle moyenne est généralement peu modifiée. Ce cas est associé à l’utilisation d’une tubulure trop longue ou rigide, mais peut aussi refléter une résistance vasculaire élevée. L’overdamping (sur-amortissement), au contraire, donne une pression systolique anormalement basse et une pression diastolique élevée. L’onde est « écrasée » (figure 1). La pression artérielle moyenne est généralement peu modifiée. Cette situation apparait lors de la présence de bulles d’air dans la tubulure reliant le cathéter artériel au transducteur, lorsque la tubulure est trop compliante/élastique, ou lorsque le cathéter est coudé.
Pour déterminer l’influence du damping sur le tracé, il est possible de réaliser un test de flush. Le retour à la normale après le flush, doit être rapide en une ou deux oscillations (flèche sur la figure 2).
Les arythmies peuvent provoquer des impacts non négligeables sur le débit cardiaque et la pression artérielle. Dans ces conditions, il est possible d’observer des ondes d’amplitudes diminuées voir absentes (exemple : lors du phénomène d’extrasystoles ventriculaires). Par l’observation de la pression invasive, une hypotension significative peut être visualisée rapidement et en temps réel, permettant la mise en place d’une thérapie médicamenteuse pour rétablir la pression artérielle dans des valeurs normales. Dans certains cas, l’analyse de la courbe de pression artérielle peut donner des indications très intéressantes : des ondes de grandes amplitude et fines sont présentes lors de régurgitations aortiques, d’anémie de dilution ou lors de persistance de canal artériel, par exemple.
Comme pour toute technique de surveillance et de mesure, lors d’utilisation de la pression artérielle invasive, il est d’abord essentiel d’écarter les causes iatrogènes qui pourraient artificiellement modifier les valeurs de pression ou la forme de la courbe. L’évaluation clinique du patient peut aider à caractériser son statut cardiovasculaire (fréquence cardiaque, qualité de palpation du pouls, temps de recoloration capillaire, couleur des muqueuses, arythmies…) et ainsi guider notre interprétation.
Conclusion
Il existe certaines limites techniques à la mesure de pression artérielle invasive, mais, lorsqu’elle est disponible, elle donne de précieuses informations sur le statut hémodynamique du patient et permet l’optimisation de sa prise en charge médicamenteuse.