La pododermatite plasmocytaire féline est une maladie inflammatoire plasmocytaire des coussinets (et du chanfrein).
C’est une affection rare (< 1% en dermatologie référée) d’étiologie inconnue. Les comorbidités, l’hypergammaglobulinémie persistante, l’infiltration plasmocytaire importante des tissus et la réponse favorable à l’administration de glucocorticoïdes ou à la doxycycline suggèrent une cause immunitaire.
Symptômes
La majeure partie des cas est asymptomatique et les lésions des coussinets sont découvertes à l’occasion d’un examen clinique de routine ou d’une anesthésie.
La pododermatite plasmocytaire féline se caractérise par augmentation de volume de multiples coussinets qui deviennent mous et spongieux. Les coussinets métacarpiens et métatarsiens sont le plus souvent affectés, mais les coussinets digitaux peuvent également être atteints.
La surface des coussinets est décolorée plus ou moins squameuses ou recouverte de stries.
Les coussinets tuméfiés peuvent facilement s’ulcérer ou saigner, entrainant douleur et boiterie (20-30% des cas). Parfois un tissu de granulation exubérant douloureux et saignant facilement est observé.
Une lymphadénomégalie régionale est possible. Occasionnellement, une dermatite plasmocytaire concomitante peut être à l’origine d’une tuméfaction du chanfrein, d’une stomatite plasmocytaire, d’une glomérulonéphrite à médiation immune, ou d’une amyloïdose rénale.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel est simple, la mollesse du coussinet étant une caractéristique de la pododermatite plasmocytaire. Il inclut :
– Le pemphigus foliacé, mais il existe d’autres localisations en dehors des coussinets
– Les squamosis des coussinets observés lors d’alopécie paranéoplasique
– Les granulomes éosinophiliques (congénitaux ou allergiques),
– Les granulomes bactériens ou fongiques,
– Les néoplasies comme le lymphome cutané
– Des troubles de la corénogenèse, comme l’ichtyose
– Un trauma (brulure sur plaque électrique)
Diagnostic
Le diagnostic clinique est généralement aisé et suffisant
Cytologie (cytoponction à l’aiguille fine) : nombreux plasmocytes. Un petit nombre de lymphocytes et de neutrophiles est parfois visible.
Histopathologie: infiltration dermique périvasculaire à diffuse par des plasmocytes et de celles de Mott (plasmocytes contenant des immunoglobulines se colorant en rose vif). Un nombre variable de neutrophiles et de lymphocytes est possible.
Tests FeLV et FIV, cette maladie pouvant être associée à une infection par le FIV.
Pronostic
Le pronostic est bon pour la plupart des chats, sauf en présence d’une stomatite ou d’une maladie rénale concomitante.
Les lésions asymptomatiques peuvent régresser spontanément sans traitement.
Traitement
Cette maladie étant rare et d’évolution très aléatoire, il n’existe pas d’étude fiable sur son traitement ni de réel consensus (en dehors de la non nécessité de traitement systématique).
Identifier et contrôler toute allergie sous-jacente, en particulier grâce aux traitements APE.
Traiter de façon appropriée toute pyodermite secondaire pendant deux à quatre semaines. On privilégiera la doxycycline si l’examen révèle la présence de coques.
En l’absence d’ulcération et de gène aucun traitement n’est nécessaire, une rémission spontanée étant souvent observée 3.
Lors de gène, de douleur ou à la demande d’un propriétaire inquiet, deux traitements anti-inflammatoire sont possibles : les corticoïdes 4,5,6,7,8et les tétracyclines9,10. Bien que recommandée dans certains ouvrages11, la ciclosporine ne semble pas intéressante dans cette indication.
L’amélioration lors d’administration de prednisolone doit être rapide (2-3 semaines), la guérison complète pouvant demander plus de 10 semaines.
Lors de contre-indication d’une corticothérapie l’administration de doxycycline (2 mois) peut être efficace. Une amélioration doit être observée dans les un à deux mois (50% des cas). Le traitement est poursuivi jusqu’à guérison complète des coussinets.
Un suivi hématologique est nécessaire une thrombopénie étant fréquemment décrite dans ces cas 10. La gammapathie persiste quel que soit le résultat thérapeutique.
Par contre les récidives sont tout-à-fait exceptionnelles 8.
On peut noter que dans les études prospectives seuls 20% des chats présentent des lésions ulcérées, c’est-à-dire nécessitant réellement un traitement. Il est donc difficile de savoir quelle est la part des rémissions spontanées.
La prise en charge médicale de la douleur est indispensable lorsque des signes sont présents.
En cas d’échec des traitements médicaux, l’exérèse chirurgicale est curative sans traitement médical associé. Elle ne doit concerner que les coussinets ulcéré ou douloureux, les autres guérissant spontanément 4,8,12.
Par le Dr Pascal Prélaud, spécialiste en dermatologie vétérinaire
Références
1 Simon, M. FIV and plasma cell pododermatitis. Vet.Pathol. 30, 477-479 (1993).
2 Guaguère, E. & Prélaud, P. (1999 Unpublished).
3 Guaguère, E., Delabre, C. & Hubert, B. Pododermatites félines. Prat.Méd.Chir.Anim.Comp. 30, 219-234 (1995).
4 Guaguère, E. et al. Feline plasma cell pododermatitis a retrospective study of 26 cases. Veterinary Dermatology 15, 27 (2004).
5 Cadiergues, M. C., Delverdier, M. & Franc, M. Feline plasma cell pododermatitis: a clinical case and literature review. Revue de Medecine Veterinaire; 153 (5) p311-313 (2002).
6 Taylor, J. E. & Schmeitzel, L. P. Plasma cell pododermatitis with chronic footpad hemorrhage in two cats. J Am Vet Med Assoc 197, 375-377 (1990).
7 Dias Pereira, P. & Faustino, A. M. Feline plasma cell pododermatitis: a study of 8 cases. Vet Dermatol 14, 333-337 (2003).
8 Groux, D. & Salvat, C. La pododermatite plasmocytaire chez le chat : à propos de deux cas. Le Point Vétérinaire 31, 153-157 (2000).
9 Bettenay, S. V., Mueller, R. S., Dow, K. & Friend, S. Prospective study of the treatment of feline plasmacytic pododermatitis with doxycycline. Veterinary Record 18 (2003).
10 Scarampella, F. & Ordeix, L. Doxycycline therapy in 10 cases of feline plasma cell pododermatitis: clinical, haematological and serological evaluations. Veterinary Dermatology 15, 27 (2004).
11 Hnilica, K. Atlas de Dermatologie, Chien, Chat et NAC. (Elsevier Masson, 2013).
12 Yamamura, Y. A surgical treated case of feline plasma cell pododermatitis. J Jap Vet Med Assoc 51, 669-671 (1998).