L’ostéochondrite disséquante (OCD) est une anomalie de l’ossification endochondrale. Elle peut concerner différentes articulations : épaule, coude, tarse ou grasset. L’épaule est l’articulation la plus souvent atteinte. Une prise en charge chirurgicale est généralement nécessaire pour permettre une meilleure récupération fonctionnelle.
Cas clinique
Commémoratifs et Anamnèse
Un chien mâle cane corso non castré de 9 mois pesant 50 kg est présenté en consultation pour une boiterie intermittente des membres antérieurs depuis 3,5 mois, répondant de façon partielle à l’administration d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens. La boiterie semble plus importante et plus fréquente à gauche pour le propriétaire.
L’alimentation est exclusivement ménagère à base de viande crue. L’animal est référé pour une suspicion de dysplasie des coudes avec une demande d’examen tomodensitométrique.
Examen clinique et orthopédique
L’examen clinique général et l’auscultation sont normaux.
L’animal ne présente pas de boiterie le jour de la consultation.
Aucune amyotrophie, ni douleur ne sont décelables ou déclenchables à la palpation et à la palpation/pression respectivement.
La mobilisation des coudes semble un peu douloureuse pour le membre antérieur droit en hypereflexion et pronation. L’animal présente une réaction de douleur franche à l’hyperextension des épaules sans différence significative entre le membre antérieur droit et gauche.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel pour une boiterie chronique des membres antérieurs chez un chien en croissance de grande taille avec douleur à la mobilisation des épaules comprend :
- les atteintes ostéoarticulaires :
- ostéochondrite disséquante,
- instabilité de l’épaule,
- ossification incomplète de la cavité glénoïdale,
- ostéodystrophie hypertrophique
- les atteintes musculaires :
- rupture du muscle biceps brachial ou avulsion du tubercule supra-glénoïdale,
- atteinte du muscle supra ou infraépineux,
Une atteinte des coudes doit être aussi intégrée à la liste du diagnostic différentiel lorsque l’examen orthopédique ne peut l’exclure complètement.
Examen complémentaire
Sous anesthésie, la stabilité des épaules est contrôlée et apparait normale. Un scanner des épaules et des coudes est réalisée et met en évidence une ostéochondrose des deux épaules. L’aspect des deux coudes est subnormal avec des processus coronoïdes discrètement émoussés.
Figure 1 : vues sagittales de l’épaule gauche et de l’épaule droite mettant en évidence une perte de substance de l’os sous chondral (flèches) associée à une sclérose importante périphérique (têtes de flèche).
Traitement
Une arthroscopie avec un port latéral pour l’arthroscope des deux épaules est réalisée. A gauche, une lésion de type 4 (classification pathologique des OCD) est présente avec un large fragment de cartilage attaché partiellement associé à la mise à nu d’un sous chondral sclérotique.
A droite, une lésion de type 3 est présente avec une élévation discoïde du cartilage avec sclérose de l’os sous chondral.
Le large fragment à gauche est alors retiré par le port instrumental caudo-latéral et l’os sous chondral est ensuite débridé à l’aide d’une curette jusqu’à l’apparition de saignements. La lésion à droite est elle directement débridée créant de multiple fragments retirés par surpression du liquide de rinçage au travers de la canule du port instrumental.
Figure 2 : Image arthroscopique du fragment élevé associé à la mise à nu de l’os sous-chondral, F = fragment, H = humérus
Figure 3 : Image arthroscopique du fragment en place côté droit, F = fragment, H = humérus
Le lendemain de l’intervention, le chien est rendu avec mise en place d’un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien pour une dizaine de jours et un traitement à base de chondroprotecteurs au minimum pour 2 mois. Le chien doit alors observer une restriction stricte d’activité pendant 6-8 semaines après l’intervention suivi par une reprise progressive de l’activité sur une période de 4 semaines.
Discussion
L’Ostéochondrose est une anomalie de l’ossification endochondrale secondaire à un trouble vasculaire local. Le cartilage s’épaissi alors, est moins bien perfusé et plus sensible aux contraintes et peut alors dégénérer. Des fissures peuvent alors apparaitre jusqu’à la surface du cartilage et entrainer une synovite, une douleur articulaire et une boiterie secondaire. Le terme d’ostéochondrite disséquante est employé lorsque qu’un lambeau de cartilage est présent.
La zone caudo-centrale ou caudo-médiale de la tête humérale sont les zones les plus souvent concernées. Ces zones sont également les zones principales de transfert de force au travers de l’articulation ce qui pourrait orienter vers une origine traumatique pour certains.
Les animaux de grande race en croissance entre 4 et 8 mois sont le plus souvent touchés avec une atteinte bilatérale dans 30 à 70 % des cas. Une alimentation à haute valeur énergétique et avec un ratio protéique élevé est fréquemment rapportée chez les animaux atteints sans que ce type d’alimentation ne puisse être avec certitude impliqué dans le développement de la maladie. Certains chiens n’expriment pas de signes cliniques lors de leur croissance, mais plus tard dans leur vie, secondairement à l’arthrose.
Malgré la forte proportion d’atteinte bilatérale, les animaux présentent généralement une boiterie unilatérale qui s’aggrave avec le temps et est accentuée après les périodes de repos ou l’exercice.
La palpation peut mettre en évidence des signes d’amyotrophie des muscles mobilisateurs de l’épaule (muscle infra/supra épineux, muscle deltoïde) lors d’atteinte chronique. La pression de l’épaule est rarement douloureuse. La mobilisation et principalement l’extension de l’épaule sont généralement très douloureuses.
Le diagnostic d’une OCD de l’épaule est le plus souvent fait à l’aide de la radiographie. Le signe le plus fréquent est un défaut de l’os sous chondral de la tête humérale en région caudale sur la vue de profil. Si une lésion est fortement suspectée mais non visible sur la radiographie, des vues de profil en rotation interne ou externe peuvent être réalisées pour mettre en évidence des lésions plus médiale ou plus latérale. Des souris articulaires calcifiées peuvent être parfois visibles dans le cul de sac caudal de l’articulation ou au niveau de la coulisse bicipitale. La radiographie du membre controlatéral est recommandée en raison de la fréquence des atteintes bilatérales.
Figure 4 : Vue radiographique médio-latérale d’une articulation scapulo-humérale mettant en évidence une lésion d’OCD associée à la présence d’un fragment minéralisé
L’utilisation des radiographies avec contraste, de l’échographie et de l’IRM sont décrits, notamment pour la recherche de souris articulaires non calcifiées.
Une étude comparative récente entre radiographie, échographie et IRM montre que la radiographie a la plus faible sensibilité mais la spécificité la plus forte. L’utilisation des vues radiographiques médiolatérales en supination ou pronation est recommandée pour augmenter la sensibilité.
L’utilisation du scanner peut permettre une meilleure détection et caractérisation des lésions. L’arthroscanner peut également être envisagé pour la détection des souris non calcifiées.
Le traitement chirurgical est recommandé et considéré supérieur au traitement médical. Toutefois, certains auteurs conseillent une activité physique intense dans le but de libérer complètement le fragment et de supprimer la douleur avec le risque que le fragment migre dans la coulisse bicipitale.
Le retrait chirurgical du fragment peut être réalisé par arthroscopie ou arthrotomie. Après le retrait du fragment, l’os sous chondral est ensuite débridé a minima afin de provoquer un saignement et favoriser la mise en place d’un fibrocartilage. Aucune étude comparant les résultats obtenus avec l’arthroscopie et la chirurgie conventionnelle n’a été réalisée à l’heure actuelle. Le traitement par arthroscopie est associé à une morbidité limité et des complications moins fréquentes que lors d’arthrotomie classique. L’hospitalisation et la récupération sont également plus rapides.
Figure 5 : aspect de la lésion après retrait du fragment cartilagineux et curetage de l’os sous chondral jusqu’à l’apparition de saignement
Le pronostic de récupération postopératoire est bon à excellent avec un développement minimal d’arthrose dans plus de 90% des cas. La taille du fragment semble être corrélée négativement au pronostic de récupération. Une étude montre que la localisation de la lésion influence aussi le pronostic de récupération. En effet, les lésions caudomédiales sont de meilleur pronostic que les lésions caudocentrale.
La mise en place de mesures de restriction d’activité associée à un plan de physiothérapie adapté est recommandée afin d’optimiser au maximum la récupération.